Tashi Delek Mustang !

12 et 13 août, le trek au Mustang démarre forcément par une petite séquence trajets en compagnie de notre guide Tirtha :

  • Tout d’abord un trajet Katmandou Pokhara d’une durée de 7h30, dans un bus plutôt confort par rapport à ce dont on se rappelait des bus népalais. Mais celui-là c’est un bus pour touristes plutôt. Nous faisons étape à Pokhara au Snow Léopard Hotel où nous devons signaler la perte tragique de notre coupe-ongle. Jérôme a eu la bonne idée de se couper les ongles à la fenêtre juste au-dessus d’un jardin-jungle… Un peu dépités mais résolus à ne pas nous laisser décourager, nous avons finalement dénicher un beau coupe-ongle (bleu à fleurs) dans la boutique du coin… Bon, il ne coupe pas très bien.
  • Puis le lendemain, c’est le vol Pokhara – Jomsom (30 minutes) qui nous attend pour ralier le point de départ de notre trek au Mustang. Mais le trajet en avion est voué à quelques aléas puisqu’il dépend grandement des conditions climatiques. Ce jour-là, il y a trop de nuages pour espérer tout décollage. Après quelques heures d’attente à l’aéroport pour voir si la situation évolue nous passons au plan B : nous ferons donc le trajet en Jeep avec 2 autres françaises et leur guide pour une durée de 10h environ (pour 125km…!). Pas de regret, le trajet est épique : pentes à couper le souffle, klaxons en pagaille à chaque virage puisqu’il y a essentiellement la place pour 1 seul véhicule et glissement de terrain provoqué par la mousson quelques jours ou semaines auparavant qui nécessite un trajet en 2 temps, dans 2 véhicules différents. Ayant vécu l’expérience 4×4, on espère quand même avoir la chance de vivre l’expérience avion en altitude pour le retour… let’s see !

On espère aussi recroiser nos 2 acolytes lors de ce dernier trajet, Sabine et Sabrina, qui viennent de Nouvelle-Calédonie. Deux nanas vraiment très sympas, en quête de découvertes également. Pour la petite anecdote il faut qu’on précise que Clémentine avait 2 doigts très engourdis depuis les vols Paris – Doha – Katmandou… un nerf un peu coincé a priori. Et par chance, Sabine est osthéo ! Elle a remis tout ça en place en 2 en 3 mouvements, merci !

Voilà, ces petits détails logistiques et pratiques évoqués, il est temps de parler concrètement du Mustang. La région est marquée par des spécificités qui la rendent bien différente des autres massifs himalayens. La rivière Kali Gandaki y a creusé les gorges les plus profondes du monde puisqu’elle s’est faufilé un chemin étroit entre le massif des Annapurna et celui du Daulaghiri qui élèvent tous deux leurs sommets au delà des 8000m. Les drapeaux de prières boudhistes présents à chaque col rythment nos ascensions et nos descentes. Les couleurs des montagnes et des nombreux ‘chorten’ passent du beige au noir, en passant par le blanc, le jaune et l’ocre. Des couleurs chaudes dans une ambiance venteuse et désertique.

Chorten de Tsarang
Chorten de Tsarang

Le Mustang est aussi la porte d’entrée au Tibet, ou plutôt de sortie si on se place du point de vue des tibétains. Le Mustang est en effet caractérisé par des liens très forts avec le Tibet, historiquement pour le commerce et plus récemment comme zone d’accueil des réfugiés. Ceci explique l’usage très répandu de l’expression tibétaine « Tashi Delek » qui remplace le traditionnel « Namasté » lors de nos passages dans les villages. Notre guide, avec qui nous parlons un peu français puis anglais lorsqu’il est fatigué, nous explique qu’il s’agit d’une zone stratégique d’un point de vue géopolitique pour la Chine, l’Inde et les USA, une bonne place pour se surveiller les uns les autres. Le Mustang est aussi historiquement un territoire de repli de la résistance tibétaine après 1959. Tous ces éléments ont conduit les autorités à contrôler fortement l’accès à la zone pendant des décennies. Aujourd’hui, l’ouverture se poursuit. Les investissements chinois y sont importants à l’heure actuelle et ne sont pas forcéments mal vus de la part de certains népalais qui considèrent que cela est nécessaire pour contribuer au développement du pays. Des grands chantiers sont amorcés ou envisagés en termes d’infrastructures (routes, ponts…), de barrages hydro-électriques ou encore d’exploitation d’uranium…

Les villlages forment des oasis improbables au milieu d’un paysage désertique. La présence humaine, très ancienne, a nécessité le dévéloppement de systèmes d’irrigation complexes pour détourner une partie de l’eau des rivières vers les terrasses alluviales qui se prêtent le plus à la culture.

Vue panoramique du village de Ghami
Vue panoramique du village de Ghami

Les plantations d’arbres, les cultures de sarrasin, de maïs, d’orge, de pommes de terres et toutes sortes de fruits (pommes, pêches, abricots, prunes…) organisent la périphérie de chaque village. Les cultures sont regroupées tout autour des villages et cloturées par des murets de pierres et de terres. A l’extérieur de ces enceintes fragiles, le bétail est roi et les vaches, les chèvres, les mules et les chevaux pâturent librement des espaces infinis. Au Mustang, l’élevage reste la première source de revenu.

La culture boudhiste est partout et on essaie de dénouer les mystères des différents types de boudhismes : avouons que c’est une galère pas possible!
Une autre spécificité du Mustang (et du Dolpo) est la polyandrie fraternelle : une femme peut avoir 2 ou 3 maris issus de la même fraterie, parfois plus, afin de limiter la division des terres et des biens. Un pied de nez à la polygamie, qui caractérise d’autres pays.

Sakau Danda depuis Lo Manthang
Sakau Danda depuis Lo Manthang

Malgré ces paysages hostiles, une faune discrète est belle et bien présente au Mustang : Aigles royaux, Vautours de l’Himalaya, Milans, Gypaètes barbus, Chocards à becs rouges et Grands Corbeaux qui nettoient les assiettes laissées à l’abandon quelques instants dans les hameaux… Nous avons aussi eu le plaisir d’observer à plusieurs reprises l’élégant Barhal (ou mouton bleu), ainsi que quelques criquets et papillons qui restent à déterminer.

Notre itinéraire nous permet de découvrir les coins et recoins de cette magnifique vallée en 12 jours de marche (du 14/08 au 25/08) :

Itinéraire du trek
Itinéraire du trek

Jour 1 : Jomsom – Kagbeni – Chele (3050m). Environ 6h. Kagbeni constitue le point d’entrée dans la zone à permis du Mustang. Deux suisses qui ont tenté de gruger le permis se sont fait rattraper par la police locale. L’amende risque d’être salée. Pas de Mustang sans guide et sans permis spécial d’entrée.

Jour 2 : Chele – Syangbochen (3800m). Environ 4h de marche. Les premiers soucis digestifs se font ressentir mais ils nous quitteront 2 jours plus tard. Altitude ou mauvais choix de plats ?

Jour 3 : Syangbochen – Ghami – Tsarang (3560 m). Environ 8h de marche. Nous avons doublé les 2 étapes initialement prévues pour passer un jour de plus à Lo Mantang et ses environs.

Jour 4 : Tsarang – Lo Manthang (3810 m) par la route. Environ 4h30 de marche pour atteindre la capitale du Mustang au plus court. Visite des monastères du village et des champs cultivés dans l’après-midi.

Jour 5 : Lo Manthang – Choser – Lo Manthang (3810m). Une belle virée à cheval jusqu’au village situé au nord de Lo. On retrouve les sensations découvertes dans les Vosges avant le départ lors de notre initiation cheval, mais dans un décor tout autre. Les sensations d’aventuriers se manifestent très vite. Visite de la grotte troglodytique Jhong Cave et des monastères du village.

Jour 6 : Lo Manthang – Kimaling – Lo Manthang (3810m). Journée tranquille et paisible à travers les champs cultivés de Kimaling. Aucun touriste à l’horizon.

Jour 7 : Lo Manthang – Dhakmar – Ghami (3520m) via Ghar Gumba (3950m). Point culminant au Chogo La 4280m. Passage à proximité des falaises teintées de rouge, du fait du sang du démon qu’a du affronter Guru Rimpoche (l’importateur du boudhisme au Tibet) parait-il.

Jour 8 : Ghami – Syangbochen (3800m). Traversée du village de Ghiling. A l’arrivée, on ajoute une petite ascension vers le point de vue situé 200m plus haut pour profiter d’une vue sur la vallée de la Kali Gandaki et les villages qui la bordent : Chele et Chhuksang.

Jour 9 : Syangbochen – Chhuksang (2980m). Passage par Chungsi Cave, une grotte naturelle aménagée en un monastère rustique assez improbable et régulièrement occupé par des moines de passage pour de plus ou moins longues périodes de méditation.

Jour 10 : Chhuksang – Muktinath (3760m) via le Gyu La (4077m). Belle ascension avec un dénivelé positif de 1100m jusqu’au col d’où nous avons une vue imprenable sur Muktinath et le massif des Annapurnas. Le trek du tour des Annapurnas rejoint d’ailleurs notre itinéraire à Muktinath.

Jour 11 : Muktinath – Marpha (2600m) via Lupra, village niché au creux des gorges de la Panda Khola. Portion finale du trajet effectuée avec un vent de face démentiel entre Jomsom et Marpha.

Jour 12 : Marpha – Jomsom (2720m). Découverte matinale de l’authentique village de Marpha, capitale de la pomme et du cidre.

Bilan de ce trek au Mustang en quelques chiffres :

10 heures de Jeep dans les gorges de la Kali Gandaki pour ralier le point de départ
12 jours de marche
160 km parcourus environ
16 680 m de dénivelé cumulé (dont 8 340 m de dénivelé positif, c’est une boucle)
1 très belle ampoule sur un petit orteil
3 Tiorfan, 3 Diamox et 1 Doliprane avalés
25 minutes de vol retour dans un petit avion dont on se souviendra
1 multitude de bons moments

Nous allons reprendre quelques forces à Pokhara avant de nous lancer dans un second trek : le camp de base du Kanchenjunga qui démarrera début septembre si la mousson est clémente!

Katmandou

09 août, arrivés à Katmandou de nuit sans encombres. A l’aéroport, peu de changements, 5 nouvelles machines, dont 3 en panne, pour faciliter la réalisation des visas. On obtient notre VISA manuscrit 90 jours rapidement.

Puis c’est le moment de récupérer nos deux sacs à dos sur les fameux tapis roulants, qui s’arrêtent, redémarrent et s’arrêtent encore. Beaucoup de téléviseurs derniers cris (grand format, LCD, etc.) et toutes sortes de marchandises high-tech défilent sur les tapis. Ce sont les emplettes des népalais de retour du Qatar où ils sont nombreux à travailler. Il y en a autant que les bagages. Il y a finalement assez peu de touristes à l’aéroport, sûrement la saison. C’est la mousson!

Il y avait bien quelqu’un cette fois pour nous chercher à l’aéroport, Dixit, le fils de Panta, notre ami népalais. Sur la route, la danse folle des petits taxis népalais est toujours au rendez-vous. Nous sommes subjugués par le ballet des véhicules, tels des funambules, obligés de se croiser sur un fil de route trop étroit. Les agents de la circulation, en chefs d’orchestre zélés mais maladroits, essaient de rétablir l’ordre mais rien n’y fait… Ils font penser à des épouvantails, c’est dire qu’ils ont surtout un rôle psychologique pour ceux qui les mettent en place. Néanmoins, le tout fonctionne toujours étonnamment bien, ce serait presque fluide! Les jeux de klaxons et de phares semblent presque familiers lors de cette seconde arrivée à Katmandou, de nuit. On les interprète comme de vrais phrases « [Biiiiipp!!!] Tu m’as vu ? – [Flash Flash] Je t’ai vu!  – [Biiiiipp!!!] Ok alors je double ». L’étude comportementale des taxis népalais pourrait donner du fil à retordre aux sociologues en mal de nouveaux terrains de jeux! La balade nocturne est très agréable, le taxi se faufile habilement, on retrouve des odeurs, une chaleur moite, les chiens, les vaches et les détritus.

Nous prenons nos quartiers dans une chambre sobre mais confortable de la Guesthouse du Monastère de Shechen. La simplicité de cette pièce cadre bien avec notre projet : démarrer à vide avec l’essentiel, ensuite remplir, construire…

Stupa de Bodnath en travaux
Stupa de Bodnath en travaux

Le lendemain, nous commençons par le petit pèlerinage rituel autour du stupa de Bodnath et des gompas (monastères bouddhistes tibétains) alentours. Crochet par la cour de l’un des monastères pour tenter de le visiter : devant le doute qui plane de la part des moines, nous rebroussons chemin, déçus. Quelques instants après, un garçon nous rattrape dans la rue pour nous expliquer qu’un jeune moine est parti chercher la clef. La visite du monastère alors fermé s’effectue dans l’ombre, en compagnie de deux mini-moines en herbe. Impressionnés par le lieu et bien que nous soyons seuls, nous chuchotons pour ne pas déranger.

Nos retrouvailles avec Katmandou se poursuivent l’après-midi, installés sur le toit d’un restaurant espagnol… L’observation de la danse cyclique qui prend forme autour du stupa est captivante et zenifiante.

Circumambulation autour du stupa de Bodnath
Circumambulation autour du stupa de Bodnath

Depuis le milieu d’après-midi, la mousson nous dévoile un bon aperçu et la pluie ne cesse que le soir venu.

De nuit, les stigmates du tremblement de terre étaient assez peu visibles. Finalement, de jour, les dégâts sont bien visibles et l’impact de la catastrophe plus évident. Certains immeubles, trop endommagés, ont été complètement démolis laissant des trous béants dans un tissu urbain extrêmement dense. Ailleurs, selon l’ampleur des dégâts et les ressources disponibles, on reconstruit un bout, on consolide. Des milliers d’étais courageux tentent de braver les lois de la gravité en retenant, ici une façade, là un plancher… Le cœur de Thamel semble avoir été assez peu touché, du moins c’est l’impression que l’on a en parcourant les rues. Le même désordre fait de brique, de bois, de béton et de terre règne ici. En revanche, les temples et bâtiments historiques de la Durbar Square de Katmandou ont été très endommagés, quelques uns quasiment détruits. Un code couleur permet d’évaluer le risque: du vert pour les zones sûres et du rouge pour les édifices les plus menaçants.

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Temple de Durbar Square interdit d’accès

Le 12 août au matin, nous quittons Katmandou pour nous rendre à Pokhara. De là-bas nous prendrons ensuite un petit avion (si le temps et la visibilité le permettent) pour Jomson, point de départ officiel de notre trek au Mustang.